Rares sont les illustrateurs qui ont su apposer leur marque à une collection.
Pierre-Olivier Templier est de ceux-là.
La chance lui sourit lorsqu'il fait ses premières couvertures pour la collection «terreur» chez presse pocket.
Pour la remercier, Pierre-Olivier Templier lui refait le portrait, chaque fois, à coups de scalpel et de canines.
Le sourire s'est élargi, celui du lecteur aussi. À votre tour... (Ces propos sont extraits de l'article consacré à l'auteur dans
la revue "Science Fiction Magazine" - interview realisée par Gille Francescano.)
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Débuts ?
Dès mon plus jeune âge, j'étais attiré par le dessin. Je faisais des modèles pour toute la classe en cm2, et je pense que
c'est à cette époque que j'aurais pu prendre conscience de ce qui allait suivre. Mais ça n'a pas été le cas : études
plutôt scientifiques, puis ras-le-bol en terminale, malgré une indéniable attirance pour les sciences de la terre.
Heureusement que c'est au même moment que je suis tombé sur quelques copains (toujours là, d'ailleurs) fous de bd et
d'illustrations. Alors on passait nos cours de math à dessiner, et évidemment, le bac ressembla plus à une visite du zoo
qu'à un examen... Puis parcours classique : écoles prépa artistiques pour se mettre dans le bain, concours des arts-déco
de paris en 87, première année aux arts déco, et là : nouveau clash. Je trouvais ça tellement scolaire (pour rester poli)
que j'ai vite arrêté. Et je suis revenu à mes premières amours : j'ai dessiné pendant plus de trois ans, presque sans
relâche, jusqu'à ce que je juge que j'avais le niveau pour être illustrateur de couvertures - soit dit en passant, j'étais très
loin de ça lorsque j'ai quitté les arts déco, c'est une école que je déconseille pour l'illustration. Dès que mon dossier fut
prêt, j'ai contacté quelques éditeurs. Le plus curieux est que dès mon premier rendez-vous avec pocket, ils m'ont donné
du travail, et que depuis, ils ne me lâchent plus. Donc pour moi, désolé collègues, mais pas de démarchage, pas de
galère, ça a marché du premier coup. (Je sais, il n'y a de la chance que pour la canaille !).
Fantastique et science-fiction ?
Mes films cultes sont à chercher du côté de blade runner, la belle et la bête, frankenstein, 2001, et pas du côté du
néo-réalisme misérabiliste très à la mode actuellement. Quant à mes livres de chevet... Ça doit faire 25 ans que je relis le
seigneur des anneaux à peu près tous les 18 mois (en moyenne - je le connais presque par coeur), j'ai découvert barjavel et
rosny-ainé à peu près à la même époque et je les relis régulièrement aussi. J'ai découvert beaucoup d'autres ouvrages
irremplaçables, mais toujours dans la même veine. Il me semble d'ailleurs que pour illustrer un genre comme celui-ci, il faut l'aimer
sincèrement. J'aimerais toutefois rassurer ceux d'entre vous qui me prendraient pour une sorte de sectaire : en matière de lecture,
comme de cinéma, de musique, ou d'art en général, le mieux est d'être le plus éclectique possible (certains vont dire « manger à
tous les râteliers ». Je préfère « prendre ce qu'il y a de meilleur »)
en fait, je crois que j'aurais été beaucoup plus à l'aise dans une autre époque (bien que je conçoive tout à fait que l'existence put
y être plus dure qu'actuellement). J'aurais vraiment aimé vivre au moyen âge, ou au paléolithique. J'ai l'impression d'y voir -
surtout pour l'époque préhistorique - une sorte de paradis perdu (contrairement à une idée très répandue, ce n'était pas une
époque si effrayante, du moins si l'on en croit les théories et les observations récentes). C'est sans doute pour cette raison que je
vis depuis pas mal d'années dans un petit village médiéval du quercy, dans une maison renaissance, et que pour me chauffer, je
mets du bois dans la cheminée. Étonnant, non ?
B.D. ?
Je préfère les illustrations de couvertures car je suis plus à l'aise pour raconter une histoire en une seule image, et parce que le
travail en équipe ne me convient pas.
Mes planches de bd, visibles sur mon site, ne sont malheureusement pas publiées, et croyez- moi, je suis le premier à en souffrir.
Hélas, j'ai l'impression que les temps sont durs pour la bd de sf. La mode semble être plus portée vers le polar ou le thriller et
l'actualité - je vous assure que pour trouver un éditeur qui ose lancer deux inconnus sur le créneau sf, il faut se lever tôt, quelle
que soit la valeur intrinsèque du dessin ou du scénario. Je le déplore.
Écriture ?
Mes tentatives d'écriture se sont soldées par un résultat assez troublant. De l'avis général j'aurais tendance à produire (quand
l'envie m'en prend) une prose de bonne qualité, avec cependant une caractéristique assez bizarre, que je reconnais moi-même
après une relecture à plusieurs mois d'intervalle : ce que je raconte est vraiment un tissu d'âneries. (Je suis sévère, mais bon... Je
vous assure que je manque de qualificatifs).
C'est le premier pas vers la sagesse : se rendre compte de ses propres défauts. Finalement, sachant cela, je ferais peut-être bien
de m'y remettre ?
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Tu as beau faire beaucoup de choses différentes, Tu es surtout connu pour ton travail
chez Pocket Terreur...
P.-O.T. : Oui, c'est vrai. Il y a d'ailleurs une histoire marrante à ce sujet je suis entré dans le bureau de la directrice de
fabrication, qui m'a tout de suite dit «Alors comme ça, vous faites de la terreur ?» Je ne lui avais rien montré. Je me
demande encore comment elle a fait pour deviner que j'allais aimer ça à ce point là...
Je ne connaissais même pas la collection Pocket Terreur.
Travail et techniques ?
Une chose est sûre : je suis particulièrement fainéant. Il faut vraiment me pousser au cul pour que je produise. Je ne peux faire les
choses correctement qu'au dernier moment. Donc il n'y a pas d'horaires de travail, sinon, les heures qui précèdent les
rendez-vous ! Le temps passé sur une couverture varie d'une heure à quelques jours, suivant la complexité.
J'adore écouter de la musique, et n'importe laquelle pourvu qu'elle soit excellente (cela va de la variété au jazz en passant par le
classique, l'opéra wagnérien), j'adore la pop française des années soixante-dix et 80 et la musique des compositeurs français du
début du siècle dernier (poulenc, ravel, debussy, fauré), et aussi le jazz-rock façon miles davis ou weather report, mais je n'ai pas
forcément besoin d'un fond sonore pour travailler. J'écoute beaucoup la radio (france inter, france culture entre autres).
Quant à la «patte», j'adapte mon style à ce que veut l'éditeur. Cela dit, j'ai tout de même l'impression d'être reconnaissable. C'est
dû, non pas à une technique particulière, mais à des choix inconscients de cadrage, de personnages, de poses, d'éclairages et de
teintes récurrents qui se retrouvent quels que soient la technique et le sujet.
Quant à l'infographie que j'utilise, il faut rectifier un peu : certes, l'aquarelle numérique permet autant, voire plus de possibilités
que son équivalent classique. Cependant, elle n'est - à mon sens - adaptée qu'à l'illustration (pour enfants, par exemple) tout
simplement parce qu'une aquarelle sur papier d'après sujet ou paysage réel, je la produis plus rapidement avec du vrai papier sur
le terrain. Cela dit j'éprouve le même plaisir dans les deux cas, et, chose étonnante, je ne suis pas du tout fanatique du papier
véritable. Pour moi une image est ce qu'elle est, et rien de plus. Je ne trouve pas qu'un original ait plus de valeur qu'un tirage, du
moment que ce dernier est absolument identique. Quant à l'aérographe, croyez-moi si vous voulez, je suis extrêmement soulagé
de ne plus en avoir besoin. Quand vous aurez passé 5 ans à respirer un brouillard de peinture et que vous aurez des ampoules au
bout de l'index à force d'appuyer sur la gâchette de l'outil, quand vous serez devenu un virtuose du cutter à force de découper
ces satanés «masques de frisquet», comme moi vous apprécierez la tablette graphique et le moniteur 19 pouces... En résumé, en
infographie, on fait la même chose qu'avant, et beaucoup plus. C'est le beaucoup plus qui est intéressant.
Édition ?
Ça devient de plus en plus dur, c'est le revers de l'infographie : les éditeurs se sont habitués à ce que cela soit plus facile de créer
une image. Ils le savent et en abusent. Il n'est pas rare de devoir refaire plusieurs fois une illustration. Ce qui est plus embêtant,
c'est qu'ils ont pris cette même habitude avec les illustrateurs en technique classique.
Cela dit, pour l'instant, j'arrive très bien à vivre de mon travail, mais ça ne m'empêche pas de toucher à d'autres domaines, en
particulier le webdesign.
Conseil à un jeune illustrateur ?
Je lui conseillerai d'avoir un esprit extrêmement critique, surtout vis-à-vis de lui-même, et de ne se lancer qu'en étant
absolument sûr de soi. Donc : ne pas se fier complètement à ce qu'on peut enseigner dans un cadre scolaire, mais travailler
énormément de son côté. Il faut aussi bien connaître à la fois les besoins des maisons d'édition (combien de fois ais-je
entendu dire qu'untel est certes bon en dessin, mais pas pour faire une couverture...) Et les travaux des collègues et des illustres
aînés. Et plus que tout : il faut aimer ce qu'on fait et ceux pour qui l'on travaille (si vous préférez les romans à l'eau de rose,
évitez l'illustration de science-fiction... Vice-versa. Ca peut paraître idiot, mais quand vous avez tâté des deux, vous
comprenez mieux à quel point il faut parfois être schizo pour faire ce boulot)
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